DU LAIT SANS BEBE
Anna, Lilias Torance Newton, 1923
Ma seconde fille, je n'ai pu l'allaiter. Non pas parce que mon lait n'était pas bon. Non pas parce que je n'avais pas assez de lait. Non pas parce que j'avais choisi le biberon. Non pas parce que... mais parce qu'elle n'a pas vécu en dehors de mon ventre.
La grossesse s'est bien passée, les seins se sont préparés comme pour ma première grossesse. Quelques jours avant le terme, je comprenais qu'elle ne vivait plus. Après l'accouchement, à l'hôpital, on m'a remis le médicament pour stopper la montée de lait. Cela a dû être efficace, je ne me souviens pas d'avoir eu un engorgement. De retour de la maternité, je devais continuer à le prendre mais je le supportais mal physiquement et moralement.
Surtout, je n'avais pas envie de couper ce lait. Je n'étais pas encore prête à laisser s'effacer ce lien. C'était la seule chose qui me rattachait à elle. J'ai eu du lait pendant peut-être 3 ou 4 mois, peut-être plus ou moins, je ne sais plus.
Les premières semaines, ces perles de lait étaient la seule preuve que je n'avais pas rêvé, qu'elle avait bien existé.
Emma est née sans vie il y a trois ans, cela veut dire qu'elle est décédée in utéro et que j'ai accouché "normalement" (elle est inscrite sur notre livret de famille).
Ces souvenirs de non-allaitement me reviennent et je les dévoilent car il me semble juste d'évoquer aussi ces mamans qui ne peuvent aboutir à ce beau projet.
Si ces mamans sont comme moi, elles n'en parlent pas et vivent seules cette période de lait sans bébé.
Je suis aujourd'hui une heureuse maman qui allaite sa troisième fille de 15 mois avec les hauts et les bas de l'allaitement longue durée.
Nadège